L’écoute pendant les fêtes

Comment les bénévoles écoutant.es à Télé-Accueil ressentent-ils la période autour de Noël et du Nouvel An? Pendant ces moments de fête et de rencontre, les appelants parlent-ils plus de solitude, de mal-être? 

Nous avons-interrogé quelques écoutant.es à ce sujet, voici leurs témoignages:

Bertrand, bénévole à Bruxelles depuis 10 ans

1. Qu’est-ce qui vous motive à être présent·e à Télé-Accueil pendant la période des fêtes de fin d’année ?

Notre société s’effrite de plus en plus – les plus  de 65 ans sont pour 45 % en dépression, un enfant sur 7 est en souffrance psychologique, ¾ des agriculteurs wallons sont en détresse, les petits indépendants se suicident progressivement à cause des faillites, l’Observatoire social démontre que les Belges ont de – en – confiance en les institutions publiques.
Je ne peux pas m’amuser devant tant de détresses en ces moments symboliques de paix et de fraternité. Je m’amuserai en d’autres temps – de toute façon tout est relatif.

2. Ressentez-vous une différence dans les appels ou dans l’ambiance des écoutes pendant les fêtes ?

Pas beaucoup de témoignages en ce sens  mais en filigrane je perçois l’angoisse qui monte. Les personnes en souffrance pensent qu’elles seront les seules en solitude le 24 et le 31, alors que nombreux  seront dans la même situation.

3. Les thématiques abordées changent-elles à cette période de l’année ? Si oui, lesquelles reviennent le plus souvent ?

Un peu plus de chagrin en pensant à toutes celles et ceux qui se réuniront et seront heureux(ses) ensemble alors que l’appelant(e) sera loin de celles et ceux qu’il-elle aime. La solitude est une catastrophe pour les humains.

4. Qu’est-ce qui, selon vous, rend l’écoute particulièrement importante pendant Noël et le Nouvel An ?

Faire circuler la parole et libérer l’angoisse par le langage. Accueillir les vœux qui nous seront téléphonés et remercier les appelant(e)s pour leur attention envers nous.

5. Y a-t-il un souvenir, une émotion ou un moment particulier lié à une écoute des fêtes que vous accepteriez de partager ?

Une dame âgée dont les enfants et petits enfants étaient loin d’elle et qui  ne l’appelleront même pas pour lui souhaiter de bonnes fêtes. En larmes et sanglots elle était. Déchirant.

Bruno, bénévole à Charleroi depuis 6 ans

1. Qu’est-ce qui vous motive à être présent·e à Télé-Accueil pendant la période des fêtes de fin d’année ?

N’ayant jamais voulu imposer à mes enfants et petits-enfants un rituel lors des fêtes de fin d’année, il m’arrivait de me retrouver seul des nuits de Noël.  Alors, de là à unir ma solitude à celle d’autres, il n’y avait qu’un pas! Blague à part, je trouve vraiment important qu’il y ait quelqu’un au bout du fil ces nuits là.

2. Ressentez-vous une différence dans les appels ou dans l’ambiance des écoutes pendant les fêtes ?

En fait, pas réellement.  Quoiqu’il semble que les appelants sont peut-être plus dans la tristesse que dans la rancœur ou la colère. Dans la soirée en tout cas. Et, plus qu’habituellement, en fin de conversation, les appelant font preuve de gratitude. Pour ma part, j’ai appris à éviter de clôturer les communications en disant « Joyeux Noël quand même », préférant des formules sans le « joyeux » et surtout sans le « quand même »!

3. Les thématiques abordées changent-elles à cette période de l’année ? Si oui, lesquelles reviennent le plus souvent ?

Les thématiques ne changent pas réellement, mais elles sont plus exacerbées par le fait que c’est la nuit de Noël avec tout ce que cela représente.  Je pense aux questions de  solitude et aux tensions familiales.  Cela dit, vers deux ou trois heures du matin viennent des appels de personnes déçues par un réveillon qui a mal tourné ou qui, en tout cas, n’a pas répondu à leurs attentes.  Lors d’autres évènements importants et fortement investis (fêtes familiales, enterrements, mariages,…) les tensions relationnelles vont vers l’apaisement ou, hélas, vers l’exacerbation.  Sans parler de l’alcool qui désinhibe.  

4. Qu’est-ce qui, selon vous, rend l’écoute particulièrement importante pendant Noël et le Nouvel An ?

Ce sont des moments importants et symboliques qui sont fort investis d’images ou d’attentes.  Peut-être plus festif pour le nouvel an et plus confraternel pour Noël.  Mais, dans les deux cas, avec une grande notion de partage.  Il est donc d’autant plus important d’être là pour dialoguer un moment avec les personnes esseulées, dépressives ou autre.

5. Y a-t-il un souvenir, une émotion ou un moment particulier lié à une écoute des fêtes que vous accepteriez de partager ?

Il est difficile (et délicat) de résumer un entretien en quelques phrases, surtout s’il a été émouvant. Par contre, je peux dire que chaque année, durant la nuit de Noël, il y a quelques appels uniquement pour remercier. Je pense spécialement à une dame qui explique qu’il y a quelques années elle avait beaucoup appelé le « 107 », ce qui l’avait bien aidée. Elle appelle donc pour remercier, disant qu’elle pense spécialement aux écoutants en cette nuit de Noël.  

Adèle, bénévole à Namur Brabant-wallon depuis 8 ans

1. Qu’est-ce qui vous motive à être présent·e à Télé-Accueil pendant la période des fêtes de fin d’année ?

C’est peut-être plus utile que n’importe où ailleurs. J’ai reçu deux appels de personnes qui avaient essayé de joindre SOS Suicide mais n’y avaient reçu aucune réponse. Peut-être qu’eux-mêmes étaient surchargés. En tout cas, je trouve indispensable d’assurer une présence durant les réveillons, de ne pas laisser des plages vides à ces moments-là, d’être là pour ceux qui en ont besoin.

2. Ressentez-vous une différence dans les appels ou dans l’ambiance des écoutes pendant les fêtes ?

C’est très probablement le cas. J’ai reçu des appels plus difficiles que d’habitude. Il faut dire aussi que je ne fais pas souvent de permanences aussi tard, mais là, je tenais à être présente et j’ai vraiment eu le sentiment d’être utile. C’était des appels pas ordinaires. Deux personnes ont tout de même tenu à remercier le 107.

3. Les thématiques abordées changent-elles à cette période de l’année ? Si oui, lesquelles reviennent le plus souvent ?

Oui, ce n’était pas tout à fait comme d’habitude. En tout cas, c’est mon impression. On entend souvent des personnes suicidaires au 107, mais ce jour-là, ils se sont enchaînés l’un après l’autre. Je me dis que la nuit du 31 décembre voit encore plus de situations comme celles-là, parce que c’est un passage symbolique pour beaucoup de gens.

4. Qu’est-ce qui, selon vous, rend l’écoute particulièrement importante pendant Noël et le Nouvel An ?

Le fait que quelqu’un soit présent pour simplement entendre la détresse de ceux qui ont besoin de l’exprimer. C’est vrai tout au long de l’année, mais encore plus à ce moment-là. Si les gens appellent et n’ont pas de réponse, ça doit être encore plus difficile à vivre pour eux, alors que la plupart des gens sont en famille. Vers qui d’autre pourraient-ils se tourner ?

5. Y a-t-il un souvenir, une émotion ou un moment particulier lié à une écoute des fêtes que vous accepteriez de partager ?

Une personne qui a commencé par dire que c’était une bonne journée pour tout terminer. Ca m’a vraiment marquée. Ca secoue. Au début, elle avait du mal à s’exprimer, hésitait. Et puis quand les mots ont bien voulu sortir, un dialogue a pu s’établir. La personne semblait décidée, sûre de sa décision. Mais le fait qu’elle téléphone m’a fait dire qu’il y avait peut-être encore un tout petit brin d’hésitation. Peut-être n’avait-elle pas envie de partir seule, dans le silence. Je lui ai adressé des mots d’encouragement, sans nier sa réalité et ses sentiments. Quelle que soit sa décision, il lui fallait du courage. Les émotions que j’ai ressenties à ce moment-là sont un sentiment d’utilité et de reconnaissance. J’ai aussi ressenti beaucoup de respect pour la personne qui a choisi de nous joindre et de s’ouvrir à nous à ce moment si particulier.

Bénévole à Mons

1. Qu’est-ce qui vous motive à être présent·e à Télé-Accueil pendant la période des fêtes de fin d’année ?

La solitude est déjà très présente dans une grande partie des appels que nous recevons tout au long de l’année. Toutefois, durant la période des fêtes, ce sentiment semble souvent s’intensifier,  le contraste avec l’ambiance festive peut rendre la solitude encore plus lourde à porter. C’est pour cette raison que j’aimerais offrir une présence attentive, afin d’aider à alléger un peu cette peine.

2. Ressentez-vous une différence dans les appels ou dans l’ambiance des écoutes pendant les fêtes ?

Dans l’ambiance je dirais non, malgré ça dans les appels j’ai le pressentiment que les gens se sentent punis de ne pas bénéficier des mêmes chances que d’autres pendant les périodes de fêtes.  

3. Les thématiques abordées changent-elles à cette période de l’année ? Si oui, lesquelles reviennent le plus souvent ?

De mon point de vue, non. Cela reste très souvent lié à la solitude. Beaucoup d’appels tournent autour de ce thème, que ce soit en période de fête ou non. Mais selon moi, ce sentiment peut être encore plus présent à cette période.

4. Qu’est-ce qui, selon vous, rend l’écoute particulièrement importante pendant Noël et le Nouvel An ?

Je pense que l’écoute n’est pas, en soi, plus importante durant la période des fêtes. En revanche, la même écoute peut être ressentie comme plus précieuse par l’appelant. J’ai l’impression que la manière dont les fêtes sont mises en scène dans notre culture et notre société peut accentuer un sentiment d’exclusion chez certains, les personnes sont continuellement bombardées de messages festifs, dans les supermarchés, à la télévision, dans les médias et dans leur environnement en général. Dans ce contexte, je pense que notre présence peut prendre une signification encore plus forte qu’à d’autres moments.

5. Y a-t-il un souvenir, une émotion ou un moment particulier lié à une écoute des fêtes que vous accepteriez de partager ?

Je me rappelle d’une appelante, une maman, qui avait tout préparé lors du repas de Noël mais au moment du partage avec la famille, elle ne s’est pas sentie incluse. Elle avait l’impression que ses fils se tournaient davantage vers leur père que vers elle. Elle s’est alors sentie seule (mise de côté) et ressentait de la déception tout en pensant que ces sentiments n’étaient pas légitimes. J’ai d’ailleurs fait un parallèle avec ma propre histoire où dans mon enfance, c’était souvent ma mère qui s’occupait de tout pendant les fêtes, et j’ai réalisé combien ce rôle, parfois invisible, est pourtant essentiel au partage et aux liens familiaux.

Marie, bénévole à Luxembourg (Arlon) depuis 3 ans

1. Qu’est-ce qui vous motive à être présent·e à Télé-Accueil pendant la période des fêtes de fin d’année ?

Pendant cette période de fêtes, ça fait encore plus sens pour moi d’être présent pour les appelants. Ça me tient à cœur. On sent que c’est encore plus important pour eux d’avoir une écoute à ce moment-là. Et n’ayant pas d’obligations organisationnelles ou familiales, ça me fait plaisir tout simplement d’offrir de mon temps à cette période.  

2. Ressentez-vous une différence dans les appels ou dans l’ambiance des écoutes pendant les fêtes ?

Oui, surtout au nouvel an, les gens téléphonent simplement pour nous dire merci d’être là. Les appelants sont plus dans la bienveillance et la reconnaissance. Ils savent qu’on pourrait être ailleurs ou en famille mais qu’on a choisi d’être à Télé-Accueil. Oui, pour moi, il y a vraiment une différence.

3. Les thématiques abordées changent-elles à cette période de l’année ? Si oui, lesquelles reviennent le plus souvent ?

Pas vraiment mais il y a deux thématiques qui sont surtout plus présentes. D’une part la relation avec les enfants (parce que les enfants ne viennent pas, n’ont pas dit quand ils viendraient et n’ont même pas téléphoné). Ça touche plus les femmes. On sent que pour ces appelants, les fêtes restent une tradition de famille, surtout à Noël.  Et ça rejoint la seconde thématique qui est la solitude. En général, le week-end la solitude se fait déjà ressentir mais encore plus pendant les fêtes où certaines personnes se retrouvent encore plus isolées (peu de contacts avec la famille, le personnel soignant a pris congé ou les soins sont fait plus rapidement, les personnes sont moins disponibles en général…). 

4. Qu’est-ce qui, selon vous, rend l’écoute particulièrement importante pendant Noël et le Nouvel An ?

C’est justement cette solitude qui ressort encore bien plus pendant les fêtes, ce sentiment qu’ils ont d’être exclu, qui pour moi rend encore plus important le fait d’être présent à cette période. J’ai le sentiment qu’on est les seuls à être là, à qui ils peuvent téléphoner.

5. Y a-t-il un souvenir, une émotion ou un moment particulier lié à une écoute des fêtes que vous accepteriez de partager ?

C’est plutôt une émotion: la gentillesse des gens, la gratitude que les appelants ont pour nous d’être présents. Et souvent l’appel commence par un “merci” d’être là.

Michelle, bénévole à Liège depuis 16 ans

1. Qu’est-ce qui vous motive à être présent·e à Télé-Accueil pendant la période des fêtes de fin d’année ?

Ce qui me motive à être présente à Télé Accueil pendant la période des fêtes de fin d’année, c’est de mesurer la chance que j’ai d’évoluer dans un environnement familial aimant et chaleureux. J’espère, par ma présence au bout du fil, en ces moments sensibles, pouvoir communiquer et partager un peu de joie, de réconfort, de compréhension, à ceux qui sont en besoin d’écoute, leur faire sentir qu’ils existent.

2. Ressentez-vous une différence dans les appels ou dans l’ambiance des écoutes pendant les fêtes ?

En fin d’année, j’ai toujours été frappée par le nombre de personnes qui commencent l’appel en souhaitant de bonnes fêtes à tous les écoutants. Je crois que ça fait du bien aux appelants de pouvoir eux aussi nous apporter quelque chose de positif. C’est parfois l’occasion aussi de pouvoir évoquer avec eux des souvenirs heureux. Le contenu des appels n’est donc pas nécessairement plus dramatique.

3. Les thématiques abordées changent-elles à cette période de l’année ? Si oui, lesquelles reviennent le plus souvent ?

Les thématiques abordées sont diverses comme toujours mais tournent souvent  autour de la solitude, des enfants qui se désintéressent de leurs parents, de l’alcoolisme en recrudescence au moment des fêtes.

4. Qu’est-ce qui, selon vous, rend l’écoute particulièrement importante pendant Noël et le Nouvel An ?

La période des fêtes de fin d’année est traditionnellement chez nous, synonyme de fêtes de famille, de retrouvailles, de joyeuses réunions. Or, nous savons bien que la plupart de nos appelants sont soit isolés, soit seuls, soit en froid, voire en rupture avec la famille. Et cet isolement se fait sentir encore plus fort au moment où tout autour d’eux proclame la joie, les réjouissances, les visites. Pour ceux qui n’ont rien ou pas grand chose de tout cela, pouvoir entendre une voix bienveillante, partager un moment de chaleur humaine, déposer une tristesse ou un espoir, c’est précieux et cela permet de poursuivre son chemin.

5. Y a-t-il un souvenir, une émotion ou un moment particulier lié à une écoute des fêtes que vous accepteriez de partager ?

Je n’ai pas de souvenirs particuliers liés à des appels pendant les fêtes. Chaque permanence est singulière.